L’art de dessiner des angles et des carrés nets de sentiments
La galerie a entretenu avec François Morellet, disparu l’an dernier, un lien étroit durant près de trente ans. Alors que la Dia Art Foundation s’apprête à lui consacrer une rétrospective*, la première à New York depuis celle du Brooklyn Museum en 1985, la galerie s’associe à cette actualité sous un angle particulier en approchant son œuvre au travers du dessin.
Ce projet reprend le principe d’une exposition que nous avions présentée au printemps 2014 à
Chelsea (New York). Il est naturellement revu non seulement en fonction du lieu, du contexte mais aussi d’œuvres qui depuis ont trouvé une destination. Si la démarche systématique de François Morellet est aujourd’hui connue internationalement grâce à de multiples expositions, publications et articles, une face de celle-ci a été peu montrée : les œuvres sur papier.
Dès le début des années 1950, et de manière extrêmement pionnière, Morellet a conçu une abstraction géométrique produite à partir de systèmes qui visaient à réduire au maximum la subjectivité de l’artiste. Comme chaque système prédétermine l’œuvre et son exécution, c’est dire l’importance du dessin qui traduit le primat de ses intentions, l’endroit où il met en place, où il anticipe, ce qu’il va pouvoir expérimenter dans une autre échelle et avec d’autres matériaux.
Les dessins de François Morellet peuvent être considérés comme des œuvres relativement discrètes.
Cette observation ne concerne pas uniquement les questions de format (principalement avant les années 1970) mais aussi le choix parcimonieux des procédés. Cette ostensible économie de moyens n’entrave pas naturellement l’effet qu’ils produisent, bien au contraire, démontrant ainsi qu’un dessin est déjà tout, en l’entièreté qu’il manifeste.
Si dans les années 1950-1960, la plupart des dessins sont liés à d’autres œuvres réalisées — ou
restées à l’état de projets — essentiellement des peintures, il ne faut pas pour autant les examiner uniquement comme des études préalables mais des œuvres en soi, parfaitement autonomes, ce que confirment les dessins produits à partir des années 1970 où l’artiste s’engage dans une problématique directement liée à la notion d’espace (rappelons que François Morellet n’a cessé d’expérimenter de nouveaux matériaux et qu’il fut l’un des premiers artistes à utiliser le néon).
Cette exposition rassemble des œuvres des années 1970 aux années 2000, offrant ainsi un ensemble de tout premier ordre. Elle montrera également quelques travaux liés à des projets réalisés par Morellet à Nancy et dans la région, issus des archives de la galerie, particulièrement son Hommage à Lamour (2003), œuvre néon pérenne visible sur une des façades du Musée des Beaux-Arts de Nancy,tout proche de la galerie.
* Exposition à Dia:Chelsea et Dia:Beacon, jusqu’au 2 juin 2018.