(Français)
La galerie a le plaisir d’associer Raymond Hains (Saint-Brieuc, 1926 – Paris, 2005) et Eric Hattan (Wettingen, 1955) dans un dialogue « réduit » délibérément à deux œuvres, l’une dans chaque salle de la galerie, du 13 mars au 31 mai. Le spectateur attentif au programme de la galerie relèvera sans peine dans ses orientations une attention portée à des démarches tournées vers l’observation aiguë du réel, les formes de déambulation, les questions liées aux notions d’espaces et les jeux de langage.
Si l’imposant triptyque de Raymond Hains, Affichage Giraudy, mesurant près de 8 mètres de long, fait pénétrer dans la galerie un fragment d’une situation qui a mémorisé la rue par une forme de prédation, la pièce d’Eric Hattan, Niemand ist mehr da (HLM), et le dispositif adopté, nous restitue en quelque sorte une captation effectuée dans un immeuble d’habitation abandonné. Pour détourner une formule chère à Marcel Duchamp, l’un et l’autre des deux artistes peuvent être considérés comme des témoins oculistes.
Raymond Hains est un artiste singulier, inclassable qui a pris part à des mouvements clés de l’art en France dès l’après-guerre, ne s’attardant jamais dans l’un ou l’autre de ceux-ci. Dans un esprit proche de la meilleure tradition surréaliste, Hains était un flâneur et c’est en inaction painter, comme il aimait à se décrire lui-même, qu’il a produit ces œuvres dites affiches lacérées qui constituèrent à l’origine une réponse aux artistes Pop américains, tout en anticipant les pratiques conceptuelles de la fin des années 60.
La démarche d’Eric Hattan, qui s’inscrit naturellement dans un contexte historique différent (ses premiers travaux remontent à la fin des années 70), se fonde également autour des notions de déplacement..
Je n’ai pas le sentiment de créer à partir de rien mais de créer à partir de ce qui est. Il me faut absolument quelque chose qui soit déjà là, déclare-t-il. Niemand ist mehr da (HLM) est une série de 80 images qu’il réalisa à Paris en 1999 dans un immeuble avant sa démolition.
Il mena, d’appartement en appartement en passant par les ouvertures pratiquées par les ouvriers (et avant de sortir par le toit…), une forme d’exploration des dernières traces des occupations..
L’œuvre d’Eric Hattan opère ou accompagne souvent des transitions, d’une espace en un autre, d’une objet à un autre : Hattan observe attentivement ces phénomènes de transformation continue (1), ne s’y arrêtant parfois que brièvement, effleurant ce qui reste et ce qui est abandonné à son destin, il anime tout cela d’un regard furtif, caresse de son objectif, mais sans fixer ce qu’il a vu et capté et sans en faire des fétiches d’une immobilisation empreinte de sentimentalité. (2)
La présentation de ces deux pièces de Raymond Hains et d’Eric Hattan opère une sorte de mise en aîme où les notions d’espaces, intérieur / extérieur se confrontent et se voient amplifiées par l’exposition elle-même.
1- Eric Hattan le fait également dans un tout autre contexte dans l’exposition que lui consacre à Marseille jusqu’au 4 mai le Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur en investissant le nouveau bâtiment construit par l’architecte japonais Kengo Kuma.
2- Maja Naef et Ralph Ubl, Eric Hattan, Passages et transitions, in Eric Hattan, Niemand ist mehr da, Ed. Holzwarth, Berlin, 2006, pages 114-115.