(Français)
Depuis sa création en 1989, la Galerie Hervé Bize porte régulièrement son attention sur de jeunes artistes français autant qu’étrangers. Cela constitue un axe fort de sa politique d’exposition sans pour autant faire de jeunisme puisqu’elle a toujours eu l’ambition de suivre des artistes appartenant à différentes générations.
La galerie entretient avec les Etats-Unis, notamment New York, des rapports constants depuis cinq ans et elle a ainsi participé pour la première fois cette année à l’Armory Show.
C’est en 2010, à l’occasion de l’exposition collective The logic of Association qui se déroula au MoMA PS1 (Long Island City), que la galerie a découvert le travail de Hanna Sandin (New Jersey, 1981). De cette rencontre est né le projet d’une exposition qui va permettre au public français de découvrir des œuvres produites spécialement.
Inspirée par le langage, Hanna Sandin réalise essentiellement des mobiles dont la structure est analogue à celle des formes visuelles employées par les linguistes : il s’agit en quelque sorte d’arborescences, d’allégories d’un système de classification.
L’artiste semble reprendre à son compte la thèse de Noam Chomsky qui convoque le caractère inné du système grammatical universel, notamment au travers de son célèbre exemple, Colorless green ideas sleep furiously, lequel consiste à démontrer qu’une phrase grammaticalement correcte peut être pourtant dénuée de tout sens.
Hanna Sandin détourne ce système pour composer des titres qui sont les prémices de son travail. Elle a en effet créé un programme algorithmique qui génère des phrases aux mots aléatoires selon une structure grammaticale correcte : un nombre infini de possibilités s’offre alors à l’artiste qui va choisir l’un d’entre elles.
Ensuite, elle reconstitue ce titre de manière métaphorique et réalise une compositions spatiale qui matérialise visuellement le langage, la sculpture fonctionnant comme une arborescence en volume et se lisant de gauche à droite.
Dans sa démarche, Hanna Sandin tente de défaire le mécanisme de la langue pour analyser comment celle-ci fonctionne : elle entend ainsi démontrer qu’il n’y a qu’une mince frontière entre le non-sens et le sens.
La réalisation de ces mobiles nécessitent bien entendu la recherche d’objets qui proviennent de grands magasins et utilisés sans la moindre modification.
Hanna Sandin n’emploie que des objets industriels, fabriqués en masse et artificiels. Lorsqu’elle se sert de branchages ou de feuillages, ceux-ci ne sont en rien naturels et proviennent du même type de magasins que les autres objets. Ils font tous partie d’une même catégorie, sont omniprésents dans notre quotidien ; jetables et remplaçables, ils n’ont aucune référence particulière et présentent un caractère neutre et insignifiant.
Pour l’artiste, le mobile renvoie également à ces jouets pour enfants qui facilitent leur développement cognitif car les objets y sont réduits à leur forme primaire : ils ne sont plus qu’une forme picturale, une abstraction. Afin de créer une unité plastique, l’artiste choisit le plus souvent des objets ayant des formes et des couleurs similaires, créant ainsi des monochromes.
De la courbe d’un élastique à la raideur d’un filtre, l’artiste met en rapport des formes, des couleurs et des matières, joue ainsi avec la densité des objets à l’échelle du mobile.
Elle offre au spectateur des œuvres autant stupéfiantes que variées et nous révèle l’apparence d’objets que nous utilisons mais que nous ne regardons pas, Je dé-familiarise le familier, déclare-t-elle.
Dans la lignée d’un type de sculptures qui évoque immanquablement par leur grâce celles d’Alexander Calder, on pourrait aussi rapprocher le travail de Hanna Sandin de courants tels que l’Op’art et le Minimal art.
Ses sculptures trouveront assurément avec l’espace de la galerie et son décor Art nouveau un lieu de dialogue particulier et privilégié.